Une nuit sans fin : récit-témoignage sur le Fonds d’intervention de l’APPA
Récit-témoignage illustré, extrait du magazine de l’APPA (2020)
Médecin urgentiste, Laurence n’a rien à envier à ses rêves de jeunesse : une carrière passionnante à l’hôpital, à La Réunion, une île qu’elle aime depuis qu’elle s’y est installée il y a vingt-cinq ans ; un cocon familial, avec son mari et leurs deux enfants, dans la belle maison qu’ils se sont fait construire et dont ils ont presque fini de payer les traites ; des amis et tout le reste pour une photographie presque parfaite, sur laquelle l’été indien ressemble une nouvelle fois à la réalité…
Le 27 février 2019, la nuit avance alors qu’un gros orage gronde sur l’île. Toute la famille a réussi à s’endormir, malgré le tonnerre, à l’exception de Gabriel qui bachotte, même à 1h30 du matin. Soudain, la foudre s’abat sur la maison qui prend feu, en quelques minutes. Tous peuvent en sortir indemnes grâce à l’alerte du lycéen mais ils assistent dehors, démunis, à une scène effroyable comme dans un film catastrophe : en une demi-heure, la maison disparaît sous leurs yeux, emportant vingt ans de souvenirs, deux animaux et tout ce qu’ils ont…
Immédiatement, un immense élan de solidarité se constitue autour de la famille, qui a développé de nombreuses attaches à proximité. Il faut parer au choc, héberger les amis, les soutenir sur tous les plans afin qu’ils puissent évacuer les images du drame et retrouver un peu d’ordinaire pour reprendre progressivement la vie quotidienne, les études, le travail, les échanges, les transports…
Relogés rapidement, Laurence et son mari démarrent les démarches d’indemnisation auprès des assureurs pour pouvoir (se) reconstruire. Ils les imaginent longues, mais pas aussi fastidieuses que le combat de papier de plusieurs mois qui va suivre, souvent en forme de double peine : les dossiers doivent être traités « au siège », en raison de l’ampleur du sinistre, ce qui allonge considérablement les délais et cause parfois certaines absurdités, par exemple lorsque leur fournisseur internet leur enjoint à régler 450 euros pour… détérioration de matériel !
La famille doit tout racheter pour continuer à vivre à peu près normalement : ordinateurs, téléphones, vêtements, objets du quotidien, etc. Toutes ses économies sont mobilisées en attendant des jours meilleurs, ceux sur lesquels ils comptent après l’intervention de leurs différentes compagnies d’assurances.
Une amie et voisine de Laurence l’incite à vérifier auprès de sa mutuelle s’il existe un fonds de garanties pour ce type de circonstances exceptionnelles. Elle s’adresse ainsi à l’APPA dont elle est adhérente depuis le début de sa carrière.
Un simple e-mail joue parfois le rôle d’une bouteille à la mer. À Paris, celui de Laurence échoue entre de bonnes mains qui se tendent, sans attendre, afin de préparer un dossier pour le Fonds d’intervention de l’association. La prochaine commission se tient au printemps et décide d’apporter une bouée matérielle vécue, de l’autre côté de la terre, comme une véritable bouffée d’oxygène. 15 000 euros, versés en deux fois pour couvrir les dépenses essentielles en attendant les autres relais financiers.
Un an après le drame, la famille va mieux mais le serpent de mer se mord encore la queue. La prise en charge locative arrive à son terme mais la procédure d’indemnisation n’est toujours pas débloquée. Laurence et son mari doivent reconstruire la même maison au même endroit ; ils ont obtenu le permis mais pas les fonds nécessaires au démarrage des travaux. Ce qui implique de chercher un autre logement, encore temporaire, dans un secteur de l’île où les loyers sont élevés, autour de 2 000 euros par mois.
Le chantier a pu finalement démarrer courant 2020. Mais les négociations avec les assureurs n’étant toujours pas terminées, les inconnues restent nombreuses, en particulier sur les dépenses qui resteront finalement à la charge du couple. Il doit continuer à financer un loyer, en parallèle, en attendant la fin des travaux. Laurence espérait pouvoir emménager pour les fêtes de fin d’année, mais elle s’est désormais rendue à l’évidence : ce sera en 2021, « si tout va bien », afin de pouvoir enfin tourner la page et retrouver une vue sur l’horizon…